Exception d’inexécution dans les baux commerciaux : puis-je suspendre le paiement du loyer si le bailleur ne fait pas les travaux ?

September 20, 2025
21/09/2025
9 minutes
Droit commercial et des affaires

Face à un bailleur qui ne réalise pas les travaux dans les locaux loués, la tentation de suspendre le paiement du loyer peut être forte pour le locataire commercial. Pourtant, la législation et la jurisprudence imposent des conditions strictes à l’exercice de l’exception d’inexécution dans le cadre d’un bail commercial. Cet article vous explique, avec clarté et rigueur, dans quels cas il est possible – ou non – de suspendre le paiement du loyer, et quels sont les risques encourus en cas de manquement à la procédure.

Un locataire commercial ne peut suspendre le paiement du loyer en invoquant l’exception d’inexécution que si le manquement du bailleur rend les locaux loués totalement inexploitables ou impropres à leur destination contractuelle. La simple vétusté ou un trouble partiel ne suffit pas à justifier une telle suspension. Cette mesure, strictement encadrée par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, suppose que le locataire apporte la preuve d’une impossibilité absolue d’exploiter les locaux conformément au bail commercial.

Les obligations respectives du bailleur et du locataire dans un bail commercial

Le bail commercial est un contrat synallagmatique : chaque partie a des obligations réciproques et essentielles. Le bailleur doit délivrer au preneur la chose louée en bon état, les entretenir et garantir la jouissance paisible des lieux (article 1719 du Code civil). Ce devoir d’obligation de délivrance implique qu’il doit effectuer les travaux nécessaires pour que le local commercial soit conforme à la destination du bail. Le locataire, de son côté, doit payer son loyer conformément aux termes du bail (article 1728 du Code civil) et utiliser les locaux conformément à la destination prévue.

🚨 À retenir :

L’exception d’inexécution dans les baux commerciaux ne s’applique qu’en cas de manquement grave du bailleur, affectant l’usage des locaux au point de rendre impossible leur exploitation. La jurisprudence récente, notamment l’arrêt de la Cour de cassation du 10 octobre 2024, a clarifié que la suspension du paiement du loyer ne peut être justifiée que si le locataire ne peut plus utiliser les locaux conformément à la destination prévue au bail. La charge de la preuve incombe toujours au locataire, qui doit documenter l’impossibilité d’exploitation. En l’absence de cette démonstration, la suspension du paiement expose à la résiliation du bail. Enfin, toute démarche doit être encadrée juridiquement pour éviter de lourdes sanctions.

L’obligation essentielle du bailleur : délivrance, entretien et jouissance paisible des locaux loués

Le bailleur est tenu d’assurer que les locaux sont en état de servir à l’usage prévu au contrat et doit effectuer les travaux nécessaires à cet effet. Depuis la loi Pinel, il ne peut plus mettre à la charge du locataire les grosses réparations prévues à l’article 606 du Code civil pour les baux conclus ou renouvelés après le 5 novembre 2014. Cette obligation vise à garantir la jouissance paisible des lieux loués.

Dans le cas d’un litige avec le bailleur, notamment lorsque le bailleur ne fait pas les travaux, le locataire doit rappeler la base légale de ses demandes et démontrer l’inexécution de l’obligation de délivrance. Il est fréquent que la vétusté des locaux ou la vétusté de la façade soit à l’origine du conflit. Toutefois, la cour de cassation rappelle que la vétusté seule ne suffit pas à justifier une dispense intégrale de paiement des loyers, sauf si elle a rendu les locaux totalement inexploitables.

L’obligation du locataire : payer le loyer et utiliser les locaux conformément à la destination

Le paiement du loyer est une obligation essentielle du locataire commercial. Le locataire doit également utiliser les locaux conformément à la destination contractuelle du bail. En cas de défaut de paiement, le bailleur peut activer la clause résolutoire, après un commandement de payer resté infructueux pendant un mois. L’action en paiement est alors ouverte au bailleur, qui peut engager un recours judiciaire pour obtenir la résiliation du bail ou l’expulsion du locataire.

👉 Question fréquente : La clause résolutoire s’applique-t-elle immédiatement en cas de défaut de paiement du loyer ?

Non, la clause résolutoire ne produit effet qu’après l’envoi d’un commandement de payer resté infructueux pendant un mois. Le locataire dispose donc d’un délai légal pour régulariser la situation. Par ailleurs, il peut saisir le juge pour demander des délais de paiement ou la suspension temporaire de la clause résolutoire, notamment s’il rencontre des difficultés sérieuses.

L’exception d’inexécution : conditions et portée juridique

La notion d’exception d’inexécution, prévue à l’article 1219 du Code civil, permet à une partie peut refuser d’exécuter son obligation si l’autre partie n’exécute pas la sienne. Toutefois, en matière de bail commercial, l’application de l’exception d’inexécution est très encadrée par la jurisprudence. Ainsi, la chambre civile de la cour de cassation rappelle régulièrement que seule une inexécution suffisamment grave du bailleur à ses obligations permet au locataire de suspendre le paiement des loyers.

La notion d’exception d’inexécution trouve ses racines dans l’article 1219 du Code civil, mais son application pratique en matière de baux commerciaux est beaucoup plus restrictive que dans d’autres contrats. Le juge vérifie la proportionnalité du manquement et la gravité de l’atteinte à la jouissance des locaux.

La notion d’exception d’inexécution trouve ses racines dans l’article 1219 du Code civil, mais son application pratique en matière de baux commerciaux est beaucoup plus restrictive que dans d’autres contrats. Le juge vérifie la proportionnalité du manquement et la gravité de l’atteinte à la jouissance des locaux.

Conditions strictes pour justifier la suspension du paiement du loyer

  • que le manquement du bailleur porte sur une obligation essentielle (délivrance, entretien, jouissance paisible) ;
  • que ce manquement a rendu les locaux totalement inexploitables ou impropres à leur destination du bail ;
  • que l’inexécution est suffisamment grave pour justifier la suspension du paiement.

👉 Question fréquente : Est-il possible de suspendre le paiement du loyer pour des travaux mineurs non réalisés par le bailleur ?

Non, la jurisprudence exige que le manquement du bailleur soit d’une gravité telle qu’il rende impossible l’exploitation des locaux. Des travaux mineurs ou des désordres partiels ne suffisent pas à justifier la suspension du paiement du loyer. Dans ce cas, le locataire peut éventuellement solliciter une réduction de loyer ou des dommages-intérêts, mais il doit continuer à payer le loyer sous peine de résiliation du bail.

Jurisprudence récente sur l’exception d’inexécution et le paiement du loyer

La jurisprudence de la Cour de cassation est constante : seul un manquement grave du bailleur, rendant impossible l’exploitation des locaux loués, justifie la suspension du paiement du loyer. L’arrêt du 10 octobre 2024 (Cass. 3e civ., n° 22-24395) en est une illustration parfaite. Dans cette affaire, le locataire invoquait la vétusté de l’immeuble pour suspendre le paiement. La Cour de cassation a rejeté sa demande, considérant que la simple vétusté des locaux ne suffisait pas dès lors que le locataire pouvait continuer à exploiter les locaux, même partiellement.

La distinction entre impossibilité totale d’exploiter les locaux et simple gêne ou trouble partiel est fondamentale : seule la première permet une suspension du paiement du loyer, la seconde pouvant au mieux justifier une réduction de loyer ou des dommages-intérêts.

La distinction entre impossibilité totale d’exploiter les locaux et simple gêne ou trouble partiel est fondamentale : seule la première permet une suspension du paiement du loyer, la seconde pouvant au mieux justifier une réduction de loyer ou des dommages-intérêts.

Cas pratiques illustrant la jurisprudence

Voici un tableau synthétique des grandes tendances jurisprudentielles :

Situation du local loué Décision de la cour Conséquence pour le locataire
Locaux totalement inexploitables (ex : sinistre) Suspension du paiement du loyer justifiée Pas d’obligation de payer
Locaux partiellement utilisables Suspension rejetée, possible réduction de loyer Obligation de payer
Travaux mineurs non réalisés Suspension rejetée, possible demande de dommages-intérêts Obligation de payer
Vétusté sans impossibilité d’exploiter Suspension rejetée Obligation de payer

👉 Question fréquente : Peut-on demander une expertise judiciaire pour prouver l’impossibilité d’exploiter les locaux ?

Oui, le locataire peut solliciter un expert judiciaire pour établir la réalité et la gravité des désordres affectant les locaux. Cette démarche, prévue par l’article 145 du Code de procédure civile, permet de procéder à la constatation de l’état des locaux et de constituer une preuve solide devant le juge pour justifier une suspension ou une réduction du loyer. Ce recours judiciaire est conseillé pour démontrer l’inexécution du bailleur à ses obligations, notamment lorsque le bailleur ne fait pas les travaux malgré les demandes répétées du locataire.

Le rôle de la jouissance paisible et de la destination contractuelle des locaux dans l’exception d’inexécution

Le juge contrôle la proportionnalité du manquement du bailleur et son impact sur la jouissance paisible des locaux. Si les locaux restent utilisables, même partiellement, la suspension du paiement du loyer n’est pas justifiée. La destination du bail est un critère déterminant : il faut démontrer que les locaux ne peuvent plus être utilisés conformément à l’activité prévue. L’action en paiement du loyer reste alors ouverte au bailleur.

Il arrive que certains locataires tentent de négocier une réduction de loyer en invoquant la vétusté ou des désordres mineurs ; or, la jurisprudence est constante : sans impossibilité d’exploiter, la suspension du paiement est systématiquement rejetée par les juridictions.

Comment justifier le défaut d’entretien ou de travaux par le bailleur

Le locataire doit informer le bailleur des désordres constatés, puis lui adresser une mise en demeure d’exécuter les travaux. En l’absence de réaction, il pourra saisir la justice pour demander, selon la gravité du manquement, la suspension ou la réduction du loyer, voire la résiliation du bail en cas de non-jouissance totale des lieux. La base légale de cette action repose sur l’obligation de délivrance et l'obligation essentielle du bailleur à ses obligations.

Les démarches et recours du locataire face au manquement du bailleur

Avant toute suspension du paiement du loyer, le locataire doit respecter une procédure stricte :

  1. Informer le bailleur des désordres et demander la réalisation des travaux ;
  2. Adresser une mise en demeure en recommandé ;
  3. Saisir, en cas de litige persistant, la commission départementale de conciliation ou le juge compétent ;
  4. Demander, si nécessaire, la consignation judiciaire des loyers.
En cas de litige avec le bailleur, le locataire peut demander la consignation judiciaire des loyers, c’est-à-dire que le paiement est déposé auprès d’un tiers le temps de la résolution du conflit. Cela permet de se prémunir contre les risques de clause résolutoire tout en démontrant sa bonne foi. Ce recours judiciaire est particulièrement utile pour éviter les risques de suspension injustifiée du loyer.

Les conséquences et risques liés à la suspension du paiement du loyer

La suspension du paiement du loyer sans respecter les conditions strictes posées par la jurisprudence expose le locataire à de lourdes sanctions : activation de la clause résolutoire, résiliation du bail commercial, expulsion, condamnation à payer les loyers impayés, indemnité d’occupation, et frais de procédure. La sanction manquement du locataire à son obligation de paiement peut être lourde, surtout si la cour considère que les locaux n’ont pas été rendus impropres à leur usage.

La procédure judiciaire en cas d’impayés

En cas de défaut de paiement du loyer, le bailleur doit adresser un commandement de payer. Si le locataire ne régularise pas dans le délai d’un mois, la clause résolutoire peut être activée. Le juge des référés peut toutefois accorder des délais de paiement ou suspendre temporairement la clause résolutoire, notamment en cas de difficultés avérées du locataire.

Étape de la procédure Délai / Action Conséquence pour le locataire
Commandement de payer 1 mois Régularisation possible
Demande de délais Jusqu’à 24 mois Suspension de la clause
Non-respect des délais Clause résolutoire acquise Expulsion possible

Une attention particulière doit être portée lors d’un appel de Paris ou devant toute juridiction compétente, car la jurisprudence de la chambre civile de la cour de cassation est constante : la dispense intégrale du paiement des loyers ne peut être obtenue que si le locataire parvient à prouver l’impossibilité totale d’occuper les locaux commerciaux conformément à la destination du bail.

Conclusion : conseils pratiques pour locataires et bailleurs

En matière de baux commerciaux, la suspension du paiement du loyer au titre de l’exception d’inexécution n’est possible que dans des cas exceptionnels, strictement encadrés par la jurisprudence de la Cour de cassation. Le locataire doit prouver que le manquement du bailleur a rendu les locaux totalement inexploitables ou impropres à leur destination contractuelle. À défaut, il s’expose à une résiliation du bail et à des sanctions lourdes. Il est donc essentiel d’être accompagné par un professionnel du droit pour sécuriser ses démarches et éviter tout risque.

Pour approfondir : village-justice.com, service-public.fr

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